BlackRock, le plus gros acteur du capitalisme au XXIe siècle, se fraye un nouveau chemin auprès de l’Union Européenne pour répondre à l’après-crise sanitaire qui touche le monde. Une décision qui ravive les tensions autour de l’investisseur des plus gros pollueurs au monde.
Par Marius Doye
Le gestionnaire d’actifs américain, un des trois investisseurs dans les huit plus grandes compagnies pétrolières au monde (Shell, Total, Exxon, Sinopec) et un des dix principaux investisseurs dans les douze plus importantes banques du monde (JP Morgan Chase, HSBC, BNP Paribas, Deutsche Bank), est officiellement devenu le 8 avril l’un des conseillers financiers de la Commission Européenne. Sa branche « conseil », BlackRock Financial Markets Advisory (FMA), s’est vu remettre une enveloppe de 280 000 euros afin de fournir une étude sur la finance durable que doit adopter le Vieux Continent après la crise du coronavirus. Une décision qui choque, étant donné la place du géant américain dans notre économie, au premier rang des investisseurs mondiaux dans les énergies fossiles.
La semaine dernière, la Commission Européenne, bras exécutif de l’Union Européenne, a déclaré que BlackRock avait battu les huit autres soumissionnaires afin de la conseiller sur la façon dont elle peut intégrer au mieux les facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) dans sa gestion financière. Une porte-parole de la Commission Européenne ajoute que « l’offre de BlackRock était meilleure que celle des huit autres concurrents, et elle ne constituera qu’une seule contribution à l’élaboration des politiques de l’UE. » Dans les rangs des militants écologistes, la situation fait bondir. « Nommer BlackRock en tant que conseiller de la Commission Européenne sur les facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG), c’est comme laisser le renard garder le poulailler » s’exclame dans les colonnes du Guardian, Kristen Ganswindt, militante chez Urge Wald, une ONG de défense de l’environnement et des droits de l’homme.
« Le scénario de rêve pour jouer les influenceurs »
Le spécialiste mondial de la gestion d’actifs financiers se voit encore ce mois-ci projeté au-devant la scène. L’entreprise avait essuyé de nombreuses critiques en février dernier. Ses locaux parisiens avaient été pris pour cible par un groupe d’activistes – réunissant militants écologistes, anarchistes et gilets jaunes – qui avaient envahi les locaux pour semer le désordre et dénoncer leur rôle de conseiller auprès du gouvernement alors en plein réforme des retraites. Mais ici c’est bien au niveau des instances internationales que le géant américain opère. Déjà en 2018, BlackRock avait dépensé 1 million et demi d’euros en lobbying au Parlement Européen.
Kenneth Haar, de l’ONG Corporate Europe Observatory, confie que « BlackRock a un intérêt bien plus grand dans cette affaire que les 280 000€ d’honoraires. Ce rôle de conseiller est le scénario de rêve pour jouer les influenceurs. » Une conséquence que redoute de nombreuses associations écologistes, qui pourrait bien freiner les efforts vers un avenir économique plus respectueux de notre environnement et crie au conflit d’intérêts. Plusieurs élus français sont montés au créneau. « On attend avec impatience Total missionné pour arrêter le pétrole et Monsanto pour mettre fin aux pesticides » ironise Marion Aubry (France Insoumise) dans les colonnes de Ouest France.
Une décision absurde
Benoit Lallemand, à la tête de Finance Watch, dénonce une « nomination inopportune et irréfléchie (…) qui risque de compromettre les ambitions de la Commission en matière de finance durable ». Afin de bien comprendre que cette décision semble complètement hors de contexte, il faut bien cerner le portait de BlackRock. L’agence dirigée par Larry Fink, dispose à la fin 2019 d’un portefeuille d’environ 7 000 milliards dollars et agit dans tous les compartiments de notre vie. Son organisation est tentaculaire. Investisseur dans les banques et l’industrie pétrolière, deux entités qui régissent l’ordre mondial, BlackRock est présent partout. Le fond d’investissement est aussi un important actionnaire dans l’agro-alimentaire (Wallmart, Carrefour), au premier rang des défis qui incombe à notre société dans son changement de mode de vie. Selon l’Organisation britannique InfluenceMap, BlackRock s’est abstenue sur 82% des résolutions d’actionnaires liées à la protection du climat dans les sociétés dont il a géré les actions entre 2015 et 2019.
À l’aune de cette année – vue comme charnière dans la lutte contre le réchauffement climatique – la firme a annoncé de gros efforts de « verdissement ». De quoi rassurer nos dirigeants pour s’assurer les services du géant américain.
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[…] la moitié sont en détresse à cause de la pandémie de coronavirus, selon l’agence Reuters. 1 million et demi d’euros auraient été dépensés par Black Rock en lobbying auprès de l’Union européenne, un choix […]