Seuls des véhicules « zéro émission » pourront être vendus neufs en 2035 : tel est le souhait de la Commission européenne et désormais du Parlement. De nombreux défis et désaccords restent néanmoins à surmonter d’ici là.
Le 8 juin, le Parlement européen a approuvé, à 339 voix pour et 249 contre (avec 24 abstentions), une proposition phare du paquet « Fit-for-55 » présenté par la Commission européenne en juillet dernier : mettre fin à la vente des véhicules thermiques dès 2035. Cette révision du règlement européen relatif aux normes d’émission de carbone des voitures et camionnettes individuelles devra néanmoins être également approuvée par les ministres des États membres de l’Union, le 28 juin, avant d’être éventuellement adoptée d’ici à l’automne. Malgré tout, ce premier vote secoue déjà le secteur automobile, s’inquiétant de l’échéance à venir et des conséquences de l’éventuelle législation.
Une échéance non négociable
Ni report de l’échéance jusqu’en 2040 (notamment pour les véhicules hydrides) ni de réduction des émissions à 90 % en 2035 : la majorité des eurodéputés soutient uniquement une réduction à 100 % de CO2 émis par les véhicules neufs mis sur le marché en 2035. Pourquoi cette date apparaît-elle non négociable ? « Parce qu’en moyenne, la durée de vie d’une voiture sur route en Union européenne est de quinze ans, a affirmé Pascal Canfin, eurodéputé à la tête de la commission parlementaire de l’environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire (Envi), lors d’une conférence de presse antérieure au vote. Donc pour s’assurer que toutes les voitures soient neutres d’un point de vue climatique en 2050, il nous faut mettre un terme à la vente de tous nouveaux véhicules polluants quinze ans avant. »
Le Parlement s’est par ailleurs mis d’accord sur les objectifs intermédiaires à atteindre d’ici là pour accompagner la transformation de l’industrie. Les constructeurs devront réduire les émissions de leurs véhicules de 15 % en 2025 (par rapport à 2021), puis de 55 % en 2030 (et 50 % pour les camionnettes) avant d’être obligés à ne vendre seulement que des véhicules « zéro émission » cinq ans plus tard. Autrement dit, seules les voitures 100 % électriques ou à hydrogène seront autorisées. Les voitures thermiques seront réservées au marché de l’occasion.
Si l’Association des constructeurs automobiles européens (ACEA) accueille favorablement les objectifs fixés pour la décennie en cours, elle s’inquiète de la faisabilité d’un secteur s’appuyant presque seulement sur la vente de véhicules électriques. « Un réexamen transparent des objectifs post-2030 sera nécessaire à mi-parcours afin d’évaluer si le déploiement des infrastructures de recharge et l’approvisionnement en matières premières destinées à la production de batteries nous permettent ou non de les atteindre », remarque Oliver Zipse, directeur général de BMW et président de l’ACEA. S’agissant justement du groupe allemand, Pascal Canfin dénonçait dans une tribune sa volonté de « torpiller » l’objectif « zéro émission » à 2035 et d’instaurer, à la place, un « permis de polluer » sous la forme d’un système d’achat de crédits de carbone.
L’électricité sinon rien ?
Cette proposition a cependant été rejetée par le Parlement, au grand dam de l’E-Fuel Alliance, réunissant les partisans des biocarburants et carburants de synthèse ou encore de 40 millions d’automobilistes. « Il existe aujourd’hui de nouveaux biocarburants à base d’éthanol présentant un bilan carbone 65 % plus avantageux », atteste Pierre Chasseray, délégué général de l’association française. « Nous devrions avoir appris nos leçons des événements géopolitiques actuels et ne pas échanger notre dépendance énergétique pour une autre », ajoute, quant à lui, le dirigeant de l’E-Fuel Alliance, Ralf Diemer, rappelant que la Chine possède 87 % des dépôts de terres rares nécessaires à la fabrication des batteries électriques.
La Fédération européenne pour le transport et l’environnement (ou T&E) soutient, qu’à l’inverse, « la sortie progressive des véhicules thermiques constitue une opportunité historique pour en finir avec notre dépendance au pétrole et les despotes, mais donne aussi la confirmation attendue par l’industrie automobile d’accélérer la production de véhicules électriques, ce qui entraînera la baisse de leurs prix de vente pour les conducteurs ». D’autant que, selon T&E, la « dernière fausse solution “verte” de l’industrie fossile » que constituent les carburants de synthèse demeure, comme l’a corroboré le vote du Parlement, inenvisageable. Ces carburants ne sont pas suffisamment bénéfiques pour le climat et la qualité de l’air. Toujours d’après T&E, ils émettent seulement 5 % de CO2 en moins et dégagent des oxydes d’azote.
Le chemin restant à parcourir
Cela étant dit, deux nids de poule se profilent qu’il reste à colmater sur la route avant 2035 : l’emploi et l’infrastructure. « Nous avons treize ans pour changer l’industrie la plus importante en termes d’emplois en Europe, a remarqué Pascal Canfin précédemment. C’est un défi exceptionnel à la hauteur de l’enjeu climatique. » Pour le relever, la commission Envi a été à l’origine d’un amendement instaurant la création d’un Fonds de transition juste pour les salariés de l’industrie automobile. Ce dernier aura pour vocation d’aider à financer leur accompagnement social.
Concernant la question de l’infrastructure, « la France manque de bornes de recharge et les stations à hydrogène ne sont pas encore développées », rappelle Pierre Chasseray, de 40 millions d’automobilistes. Le Pacte vert européen vise un million de bornes de recharge en Europe en 2025, tandis que la France n’en compte encore qu’environ 60 000 sur les 100 000 promises avant le début de l’année. Un projet de règlement européen visant au développement d’infrastructures destinées aux carburants alternatifs (Afir) est en cours de négociation.
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