Dix acteurs de l’alimentation, parmi lesquels Yuka, Foodcheri ou Marmiton, lancent ce jeudi 7 janvier leur éco-score. Calqué sur le Nutri-score, il informe cette fois-ci sur l’impact environnemental de nos produits alimentaires. Reste à se pencher sur la méthode.
- Les applications de consommateurs Yuka, Ettiquetable et Open food facts, le site de recettes Marmiton, la startup de livraison de plats Foodcheri… Au total, dix acteurs de l’alimentation lancent ce jeudi leur éco-score.
- Cet affichage environnemental, sous la forme d’une note de A à E, sera apposé sur les produits alimentaires que ces acteurs proposent. Avec l’idée d’informer les Français sur l’impact environnemental des produits qu’ils consomment.
- Pour se faire, cet éco-score s’appuie principalement sur « l’Analyse du cycle de vie », une méthode élaborée par le groupe de travail Agribalyse et pilotée par l’Ademe. Mais qui a ses limites, pointent les ONG.
On connaît bien désormais le Nutri-score, cette note sur les produits alimentaires en rayon mise en place en France depuis 2016 et qui affiche leur valeur nutritionnelle. Du A sur un fond vert foncé, pour les plus vertueux, à E sur fond rouge, pour les cancres.
En reprenant le même code, un collectif de dix acteurs de l’alimentation – de Yuka à Marmiton, en passant par Foodcheri ou l ’épicerie en ligne bio La Fourche – lance officiellement ce jeudi un éco-score. L’idée, cette fois-ci, est de donner en un coup d’œil l’impact environnemental des produits alimentaires. « Ce n’est pas seulement un outil pédagogique, prévient Shafik Asal, cofondateur du cabinet de conseil ECO2 Initiative, aussi membre du collectif. Il vise aussi au changement, en orientant les consommateurs vers une alimentation plus écoresponsable et en poussant les fabricants et vendeurs à plus de transparence. »
Un coup d’avance sur le gouvernement ?
Cet éco-score est désormais affiché sur les plats à emporter de Foodcheri, les recettes proposées par Marmiton, 2.500 références alimentaires proposées par La Fourche… Surtout,l’association Open Food Facts (à voir comme le Wikipédia de la fiche produits, également dans le collectif), a calculé l’éco-score sur plus de 240.000 produits. « Soit un bon tiers environ de ceux référencés sur notre base de données et qu’on retrouve en France », indique Pierre Slamich, son cofondateur.
La loi relative à la lutte contre le gaspillage, publiée en février 2020, prévoit l’entrée en vigueur fin 2021 d’une étiquette environnementale sur les produits alimentaires. Ces dix acteurs de l’alimentation prennent donc les devants. « Nous sommes un collectif indépendant et notre éco-score n’a pas eu un aval quelconque du ministère de la Transition écologique », indique Shafik Asal.
Autrement dit, on pourrait se retrouver rapidement avec deux « éco-score », voire un plus grand nombre si d’autres acteurs privés lancent leurs propres initiatives. Pas un problème aux yeux du collectif, qui assure que « plusieurs initiatives peuvent coexister en attendant un affichage environnemental officiel ».
L’ analyse du cycle de vie, premier pilier de la note
Cette pluralité des voix et des approches paraît d’autant plus souhaitable qu’il n’y a pas de méthode qui fasse aujourd’hui l’unanimité pour rendre compte de l’impact environnemental des produits alimentaires. Pour calculer son éco-score, ces dix acteurs de l’alimentation se reposent principalement sur les travaux d’Agribalyse, une base de données élaborée depuis une dizaine d’années par un collectif d’experts piloté par l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie).
Agribalyse cherche à mesurer l’impact environnemental des produits agricoles et alimentaires en raisonnant en termes d’analyse de cycle de vie (ACV). En clair, « la méthode ne se focalise pas seulement sur la phase de production, mais prend en compte toutes les étapes par lesquelles passe un produit, de la fourche à la fourchette, détaille Shafik Asal. Pour l’impact environnemental, Agribalyse ne s’intéresse pas seulement aux émissions de CO2, mais prend en compte la pollution de l’air, de l’eau, des sols… »
Agribalyse s’appuie ainsi sur quatorze indicateurs environnementaux et donne, pour 2.500 catégories de produits, un score noté sur 100. « Un gros travail scientifique potentiellement très utile mais qui ne peut pas être utilisé dans l’état actuel, car il comprend des limites, ce dont à conscience l’Ademe d’ailleurs », explique Christophe Hurbin, cofondateur de MyLabel, une application d’aide à une consommation plus durable.
Six critères pour gommer les limites d’Agribalyse
Dix-sept associations environnementales s’étaient émues de ces limites en décembre dernier. Elles pointaient déjà la faible prise en compte incomplète des atteintes à la biodiversité et de l’impact des pesticides dans l’ACV. « Cette méthode mesure aussi les impacts environnementaux par kilo ou litre de produit, autrement dit en fonction des rendements, regrette Agathe Gignoux, responsable des affaires publiques et juridiques pour CIWF France, association de bien-être animal. Cela donne un avantage significatif à l’agriculture intensive, qui pour une même quantité de matières premières utilisées va produire plus que l’agriculture biologique. Mais cette dernière à d’autres avantages en matière de biodiversité [plus faible recours aux pesticides] ou de bien-être animal. Or, ces deux points ne sont pas intégrés dans l’indicateur. »
Pour contrer ces limites, l’éco-score lancé ce jeudi complète l’ACV par six critères supplémentaires qui permettent au produit noté d’engendrer des points bonus ou, au contraire, de se voir soustraire des points malus. « Nous prenons en compte les labels, la provenance des produits, la politique environnementale du pays producteur [en s’appuyant sur l’indice établi par l’université de Yale], liste François Martin, cofondateur de Yuka. Nous ajoutons également un critère “espèce menacée”, un autre encore sur la recyclabilité de l’emballage, ou encore la saisonnalité des ingrédients. »
La méthode optimale encore à trouver ?
Suffisant ? Agathe Gignoux reste sur ses gardes. « Il nous semble par exemple très important de prendre en compte le mode de production [agriculture bio, conventionnel, élevage en plein air…] dans l’élaboration de la note », glisse-t-elle notamment. « Nous le faisons à travers le critère des labels, répond Shafik Asal. Il peut donner jusqu’à 20 points supplémentaires, attribués en fonction du niveau d’engagement et des bénéfices environnementaux que le label permet d’estimer. Et ces labels, souvent, sont rattachés à un modèle de production particulier. Un boeuf label rouge doit par exemple être nourri principalement à l’herbe. »
Une autre crainte pointée par Agathe Gignoux, plus globale cette fois-ci, est que l’affichage environnemental « revienne à mettre en concurrence des enjeux environnementaux aussi importants les uns que les autres ». « Le risque alors est que les points faibles d’un produit soient compensés par ses points forts et que la grande majorité des produits se retrouvent dans un ventre mou, avec une note ni trop bonne, ni trop mauvaise. L’affichage environnemental ne serait alors plus d’aucune aide pour les consommateurs. »
Dans l’éco-score lancé ce jeudi, la pâte à tartiner Nutella récolte ainsi un pas trop mauvais « C » malgré l’utilisation d’huile de palme dans sa recette . De quoi donner raison à Agathe Ginoux ? Le collectif justifie la note : « La marque aurait perdu des points sur ce volet il y a quelques années encore. Mais elle se fournit désormais en huile de palme certifiée durable et est considérée comme un bon élève en la matière.»
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