L’agriculture intensive, responsable de l’érosion de la biodiversité en Europe – 10.2020

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News 28 octobre 2020

Au moment où le Parlement européen se prononce sur la nouvelle PAC, le rapport de la Commission sur l’état de la nature révèle la responsabilité de l’agriculture intensive dans l’effondrement de la biodiversité.

La Commission européenne a publié le 19 octobre son nouveau rapport sur l’état de la conservation de la nature sur le continent. Cette analyse, étayée par une évaluation technique réalisée par l’Agence européenne pour l’environnement (AEE), porte sur les données et les tendances de conservation de 233 types d’habitats, 460 espèces d’oiseaux sauvages et 1 400 autres plantes et animaux sauvages d’intérêt européen protégés par les directives Oiseaux et Habitats. Il s’agit de l’exercice de collecte de données « le plus vaste et le plus complet jamais entrepris sur l’état de la nature en Europe », indique l’exécutif européen.

Après l’évaluation mondiale de la biodiversité publiée en mai 2019 par l’IPBES, qui montrait qu’un million d’espèces étaient menacées d’extinction, l’Union européenne établit à son tour un état des lieux alarmant de l’état de la nature sur le continent. « Nous sommes en train de perdre notre système (…) de soutien à la vie », alerte Virginijus Sinkevičius, commissaire chargé de l’environnement, des océans et de la pêche. Parmi les différentes pressions rapportées par les États membres, l’agriculture intensive arrive en tête, suivie par la modification des régimes hydrologiques, puis par l’urbanisation et la pollution. Le rapport régional pour l’Europe de l’IPBES, publié en mars 2018, avait aussi pointé l’agriculture conventionnelle et la sylviculture comme facteurs déterminants.

Seulement 15 % des habitats en bon état de conservation

« L’Union européenne n’a pas encore réussi à enrayer le déclin des espèces et des types d’habitats protégés dont l’état de conservation est préoccupant », conclut le rapport de la Commission européenne. Et ce, alors que l’UE s’était fixé pour 2020 l’objectif d’enrayer et d’inverser de manière mesurable la dégradation de l’état de conservation des espèces et des habitats.Nous sommes en train de perdre notre système de soutien à la vie. Virginijus Sinkevičius, commissaire chargé de l’environnement Concernant les oiseaux, seulement 47 % des espèces sont jugées dans un état favorable, en baisse de cinq points par rapport à l’évaluation précédente qui datait de 2015. Sur la période 1980-2018, 32 % des populations d’oiseaux nicheurs sont en déclin, alors que 29 % sont en augmentation. « Les oiseaux qui sont étroitement associés à l’agriculture continuent d’enregistrer un déclin », constate la Commission.

Pour les autres espèces, 27 % des évaluations indiquent un état de conservation favorable (contre 23 % en 2015). Les groupes qui enregistrent le pourcentage le plus élevé d’évaluations favorables sont les reptiles et les plantes vasculaires, mais ces chiffres sont, là aussi, inférieurs à la moyenne (36 et 40 %).

Quant aux habitats, seulement 15 % des évaluations montrent un état de conservation favorable. Les types d’habitats qui enregistrent la plus forte proportion d’évaluations médiocres sont les tourbières, les dunes et les pelouses. Si on s’intéresse aux tendances, seuls 9 % des habitats affichent une tendance à l’amélioration, tandis que 36 % enregistrent une dégradation continue.

Quelques améliorations sont toutefois constatées dans les États membres. Au niveau des habitats, la Commission cite les prairies côtières de la Baltique en Finlande. En termes d’espèces, elle met en avant, parmi les mammifères, les castors, les phoques gris et les phoques communs. Quant aux oiseaux, des espèces comme le pygargue à queue blanche, la grue cendrée, le milan royal ou la grande aigrette connaissent une tendance à l’amélioration.

La biodiversité des terres agricoles poursuit son déclin

Le rapport n’établit pas seulement un état des habitats et des espèces, et de leurs tendances. Il analyse également les pressions subies par le milieu naturel à partir de 67 000 relevés établis par les États en utilisant une liste de 203 pressions réparties en quinze catégories. Les pressions les plus fréquemment signalées proviennent de l’agriculture. « Depuis les années 50, une agriculture plus intensive et spécialisée a progressivement contribué à l’appauvrissement continu de la biodiversité », constate l’exécutif européen.

« Les habitats semi-naturels tributaires de l’agriculture, tels que les pelouses, sont particulièrement menacés et leur état de conservation est nettement plus mauvais que celui des autres types d’habitats qui ne dépendent pas de l’agriculture », constate le rapport. De plus, la tendance est toujours mauvaise. Le rapport fait état d’une « dégradation générale de l’état de conservation » des habitats agricoles : 45 % d’entre eux connaissent une dégradation, contre 8 % seulement qui s’améliorent. « De nombreuses espèces d’oiseaux, de reptiles, de mollusques, d’amphibiens, d’arthropodes et de plantes vasculaires sont également touchées et la biodiversité des terres agricoles poursuit son déclin », pointe la Commission.

Même à travers les autres pressions importantes que sont la modification du régime des eaux et la pollution, l’agriculture intensive pointe son nez. Les activités de drainage agricole représentent ainsi 14 % des pressions liées à l’hydrologie. Pire, les activités agricoles se révèlent responsables de 48 % des pressions liées à la pollution. Seules celles liées à l’artificialisation des terres ne lui sont pas imputables. On en déduit qu’une conversion à l’agroécologie serait le principal moyen pour restaurer la biodiversité.

Un tel constat avait déjà été opéré par la Cour des comptes de l’UE en juin dernier. La juridiction financière avait relevé que ni la stratégie de l’Union en faveur de la biodiversité, ni la politique agricole commune (PAC) n’étaient parvenues à enrayer cette dégradation. Un double avertissement à prendre en compte de façon urgente alors que le Parlement européen se prononce ce mardi 20 octobre sur la nouvelle PAC et que la Commission européenne doit mettre en œuvre sa nouvelle stratégie biodiversité à horizon 2030.

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